rendre compte des changements dans le quartier vu par les habitants

Le projet "saisir le changement" évolue !


Retrouver la vie quotidienne du quartier, ses habitants et les changements qui s'y font sur un nouveau site : saisir le changement

mercredi 4 août 2010

Audrey et Frédéric Rossé en transit à la Perdrix

Audrey Rossé est née à Aboncourt près de Bouzonville. Entre seize et dix huit ans elle vit au foyer carrefour à Metz et travaille au kinépolis de St Julien. Elle quitte le foyer et s’installe à Thionville, elle travaille au Leclerc de Maizières-les-Metz puis au paddy discount, un marchand de fruits et légumes du centre ville qui a fermé depuis. Elle est employée de libre service et fait surtout des remplacements.

Audrey et Frédéric Rossé se sont rencontrés en 1997. Frédéric est originaire de Colmar et travaille en intérim. Difficile pour eux de louer un appartement. Les loyers sont trop chers. Un bailleur ira jusqu’à exiger que Frédéric travaille au Luxembourg pour accepter de louer : 750€ par mois deux mois de loyers d’avance et un mois de caution. La seule solution est l’hôtel social et Audrey et Frédéric vont traverser dix ans de galère jusqu’en avril dernier. Après un hiver sans eau chaude et sans chauffage, Audrey excédée, réussit à obtenir de l’assistante sociale de l’Ase un hébergement provisoire dans un des appartements de l’Armée du salut situé à la perdrix, l’immeuble qui doit être démoli l’an prochain.


Frédéric et Audrey sont mariés depuis 2006 et ont eu deux enfants, Solène qui a huit ans et Kylian qui en a cinq. Solenne sait qu’ils vont redéménager tôt ou tard et a du mal à l’accepter. Déjà elle regrette son école du centre ville où elle a laissé ses copains Depuis qu’elle a changé, elle est la première de sa classe et sans se forcer. A la côte des roses, elle va à l’école à la rigolade. Killian lui, préfère la côte car en ville, sa mère l’a su plus tard, il était terrorisé par un camarade. Aujourd’hui il voudrait aller tout seul à la maternelle. Audrey est contente : ils adorent l’école.



Le mariage avait deux raisons : contenter la mère de Frédéric avec qui il venait de renouer après une longue séparation et rassurer Solène qui demandait toujours pourquoi sa maman avait un autre nom. Un grand mariage de soixante-dix invités rendu possible grâce à un arrangement avec le traiteur que lui avait recommandé sa sœur : payer à l’avance chaque mois le buffet de la cérémonie. Pas question d’aller dans un restaurant, trop cher et puis ils avaient trouvé une salle pour deux jours à Chémery-les-deux avec un grand terrain de foot à côté pour les enfants.


En ce moment Audrey travaille une heure chaque jour dans un lavomatique de Yutz et Frédéric dans une usine Thyssen-Krupp à Florange pour inter-conseil, une nouvelle boite d’intérim. Avant il travaillait au même endroit mais pour Manpower et il avait le panier en plus…. Avec trente cinq heures et deux euros de déplacement par jour, Frédéric dépasse à peine les mille euros. Il fait les quatre fois huit. Le rythme de repos est toujours en train de changer et pendant les vacances c’est dur de récupérer des nuits avec les enfants à la maison.

Il va à l’usine en vélo car c’est difficile de faire la route avec un collègue, les équipes changent tout le temps. Quand il rentre c’est Audrey qui prend le vélo pour aller à Yutz. Elle a bien un vélo mais comme l’ascenseur tombe souvent en panne, ils laissent le plus lourd en bas plutôt que de risquer de le remonter à pied au neuvième étage. Récemment, Frédéric est tombé malade et le revenu du foyer est tombé à 500€. Ils ont bien le Rsa mais celui-ci est calculé sur les trois derniers mois. Audrey avait obtenu un bon d’achat de 50€ du CCAS mais la plupart du temps elle essaie de se débrouiller par ses propres moyens car elle a été plusieurs fois voir l’assistante sociale et elle n’avait jamais le droit à quoique ce soit : elle ne va plus demander. Pourquoi prendre rendez-vous pour ne rien avoir ? Quelque fois c’est dur de comprendre comment ça marche, tout le monde disait « avec deux enfants, vous êtes prioritaires » mais des demandeurs d’asile étrangers on été relogés bien avant eux. Quand ils ont posé la question aux assistantes sociales la seule réponse a été, « il ne faut pas être raciste ». Quand ils étaient encore à l’hôtel et qu’ils signalaient le danger des prises électriques descellées pour les enfants : « vous n’avez pas à vous plaindre, vous avez un toit ». Comme solution ce printemps, ils avaient proposé un foyer pour lui un foyer pour elle et les enfants. Mais cette fois Audrey était arrivée à un point où rien ne l’aurait retenu. Il faut s’imposer.


Voilà, les enfants jouent sans problème en bas de l’immeuble depuis qu’elle est descendue ramener l’ordre, ils sont habitués au quartier. Mais rien ne retient vraiment les Rossé ici. Tôt ou tard ils y arriveront : ils ont galéré jusqu’ici, ce n’est pas maintenant qu’ils vont baisser les bras. Les enfants sont là, il faut se battre pour eux.


mardi 3 août 2010

Chantal Lécluse : 27 ans à la Perdrix

Chantal Lécluse vit dans la tour de la perdrix depuis le deux décembre 1981. Chantal n’a jamais connu son père. Elle est née du côté de Sarrebourg en 1951 et son père militaire est mort dans un accident de jeep quand elle avait dix mois. C’est sa grand-mère qui l’a élevée dans la maison familiale de Terville. Son grand-père était venu du nord après la guerre pour travailler chez Usinor. A la maison il fallait marcher droit, être poli et surtout ne pas se faire remarquer quand on est en visite : ne rien demander, montrer du respect pour qu’on puisse dire à la grand-mère « comme ils ont été bien élevés ces enfants ».



Quand Chantal demandait pourquoi sa mère n’était pas avec eux, sa grand-mère répondait qu’elle était très indépendante. En fait, elle n’avait même pas eu le temps de se marier et avoir un enfant hors mariage était très mal vu à l’époque. Les enfants d’aujourd’hui ne sont pas élevés de la même façon. Avant on interdisait aux enfants sans leur expliquer pourquoi. Maintenant ils osent demander. Chantal n’y pensait même pas. Aujourd’hui c’est une lourde responsabilité d’élever des enfants : on les informe et on leur explique les choses car on veut qu’ils réussissent sans se faire manger par des profiteurs et rattraper par le mauvais et l’instabilité. Les enfants de maintenant ont plus de tentations, dans un magasin ils voient tout ce qu’il y a et demandent : « Maman pourquoi t’achète pas ça ? ». Ses petits enfants sont élevés fermement mais Ils veulent dépasser les interdits, ils bougent. Chantal a élevé ses deux filles toute seule.



Elle se marie à 26 ans en 1978, sa fille Alice nait en 1979, Jessica en 1982 et Chantal divorce quelques mois plus tard.

Son mari va se laisser aller complètement, faire de la prison et devenir sans domicile fixe. Il vivra chez l’un chez l’autre à la côte toujours sur la brèche et totalement immature. Chantal n’a pas connu d’autre échec. Il lui a fallu assumer, retravailler comme avant son mariage, agent hospitalier ou aide en maison de retraite. Elle aurait pu partir mais elle avait déjà des amis dans le quartier et l’école pour les filles n’était pas loin, l’hôpital et la sécu aussi.



Elle a vu le quartier changer. C’est très triste de voir des enfants se laisser aller. On vit avec eux, on les connaît depuis la maternelle et certains s’en sortent et d’autre pas. Du temps de monsieur Pieltant, le concierge qui vivait au rez-de-chaussée de la perdrix, l’immeuble était correct propre et calme. Son départ a précédé la dérive de la drogue et de l’alcool. Les enfants de la tour n’étaient plus à l’abri. Un club de prévention avait pris la place du concierge et c’était bien au début et puis ça a dégénéré avec l’afflux de jeunes de partout, trafic et incendies de caves. Il y a des choses qu’on ne peut oublier : un jeune avait noyé tout l’immeuble en ouvrant une vanne incendie au neuvième étage. Deux électriciens étaient venus réparer car toutes les armoires électriques étaient hors d’usage.



Un arc électrique s’était alors produit entre le vide-ordure et l’armoire et avait grièvement blessé un des deux hommes. Toute la chair, de son bras à la taille était à vif, la peau arrachée. L’Opac qui n’était pas encore Moselis avait décidé de faire fermer le club qui n’avait rouvert que bien plus tard, mais seulement pour l’aide aux devoirs.




Aujourd’hui l’immeuble de la perdrix doit être démoli. Les gens de Présence habitat sont venus il y a plus d’un an en compagnie de la médiatrice Paola Morelli.

Chantal vit seule aujourd’hui mais elle tient à conserver son mobilier en bois massif. Il avait été convenu qu’un grand F2 aux Basses-terres ferait l’affaire et Chantal était contente car cela la rapprocherait du centre le Lierre. Car son idée est de ne pas être séparée du Lierre : elle en a besoin.


Chantal avec ses collègues des ateliers du Lierre


Depuis qu’elle est au RMI, Chantal fréquente les ateliers cuisine et couture qui sont organisés par le centre. Cela lui a permis de redécouvrir la Côte des roses : elle s’est ouvert un peu plus aux autres et a appris à rencontrer les gens qu’elle ne connaissait que de vue et qui viennent aussi aux ateliers. Elle vivait une sorte de solitude et quand on reçoit un geste, un sourire, on laisse finalement l’amertume de côté « tu as vécu 27 ans là et puis c’est tout ».

Depuis un an et demi elle écrit un récit bâti autour du parcours du GR20 en Corse. Avec Monique et Saveria elle imagine les étapes du voyage des personnages qu’elles ont inventé dans l’atelier de Français de madame Noël. Ça fait travailler.

Mais pour l’appartement aux Basse-terres, ils ont attendu plus d’un an avant de lui dire que ce n’était plus possible. Maintenant elle attend un logement rue de la pomperie puisqu’ils sont réservés au relogement Moselis mais ils disent « est-ce que ce n’est pas trop cher pour vous ? » Chantal aimerait bien savoir à quelle sauce elle va être mangée. Elle veut savoir ce qui l’attend. Elle ne cesse d’y penser. Dans le fin fond elle a toujours une inquiétude mais elle doit aller au-delà et prendre ses responsabilités. Jusqu’ici, elle attendait, maintenant c’est à eux de prendre leur responsabilité et de lui faire une proposition concrète.





les nouveaux immeubles du chemin de la pomperie à Thionville




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