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vendredi 9 avril 2010

Zoubeida Aggoune : le 1 Racine



Zoubeida Aggoune est avec madame Martin, la dernière occupante du 1 rue Racine à Thionville. Cet immeuble de la Côte des roses va bientôt être raccourci d’un tiers mais personne n’a dit à ces dames pour quelle raison. Zoubeida Aggoune paie son loyer et attendait plus d’égards : on lui envoie quelqu’un avec un attaché-case comme un huissier de justice : on ne déménage pas les gens comme des meubles. Même un chat besoin d’être rassuré quand son maitre change d’habitation. Il faut être compréhensif avec les gens fragilisés.

Et puis cette démolition c’est un peu le brouillard. C’est toute la barre qu’il aurait fallu démolir, la sortie sur la rue Saint Hubert est si dangereuse. D’un autre côté madame Martin qui est la plus ancienne occupante de l’immeuble et ne pouvait pas envisager de déménager, aurait été bien en peine si on avait démoli toute la barre. Car c’est dans ce qui reste de l’immeuble qu’elle sera relogée par le bailleur : le même logement, plus haut dans la rue.

Zoubeida Aggoune connaît déjà la souffrance du déracinement. Elle est arrivée rue Racine en 1994 et c’était déjà une mesure de relogement. Elle habitait depuis dix ans un immeuble du même bailleur à Uckange, seule avec deux jeunes enfants. C’est un mauvais souvenir : le dernier mois, le bailleur avait coupé le chauffage collectif sous prétexte qu’il ne restait qu’elle dans l’immeuble. La Côte des roses avait mauvaise réputation et Zoubeida ne voulait pas venir ici. Mais finalement, c’est un quartier tranquille : les jeunes ont bien sûr besoin d’être encadrés mais tout se passe bien si on ne les provoque pas.

Zoubeida aime aider les gens en difficulté. C’est plus facile d’aider les gens quand on a souffert soi-même. Entre 2001 et 2002 elle a travaillé en contrat-emploi-solidarité au Fomal, avenue de Douai. Comme femme de service, elle était tout le temps en relation avec les résidents du foyer et à sa manière elle savait être là pour eux et les aider comme elle pouvait. Ce n’était qu’un C.E.S et cela n’a pas duré mais elle a adoré travailler là. Et puis c’est aussi au Fomal qu’elle a rencontré son ami Joël Wanner.

Joël Wanner est double champion de France vétéran de tir à l'arc 2008-2009( photos FFTA)

Joël est aujourd’hui à la retraite mais en 2001 il a tout perdu. Il avait tout, un travail dans l’import au Luxembourg, les six appartements qu’il avait aménagé à Œutrange et qui devaient lui garantir une retraite confortable. Il a tout abandonné dans son divorce. Le Fomal lui a sauvé la vie. Quand il est arrivé, il était en grande dépression et c’est le soutien du Fomal qui lui a permit de s’en sortir. Aujourd’hui il conseille Zoubeida pour mieux se défendre. Car elle vit mal ce deuxième relogement : un chat échaudé craint l’eau froide et Zobeida Aggoune ne supporte pas qu’on vienne lui « éplucher le cerveau pour savoir si elle remplit les conditions ».

Elle connaît le sentiment de déracinement des relogés, comme sa voisine du dessous dont elle avait l’habitude de s’occuper un peu et qui se retrouve isolée en étage et comme les enfants qui sont attachés à leur quartier. Zoubeida avait accepté une proposition de relogement du bailleur, au 11 rue Racine mais la commission d’attribution le lui a finalement refusé sans qu’elle sache jamais pourquoi. Depuis, elle a attendu une proposition qui lui convienne et le bailleur a finalement accepté de lui louer le logement de son choix à la Garenne. Avant, Zoubeida Aggoune était dans une bulle, pas vraiment informée de ses droits. Grâce à son ami, elle ne se laisse plus faire et ne cède pas à l’intimidation. Elle a certes refusé plusieurs propositions de relogement mais elle voulait un logement qui lui plaise vraiment. Et elle entrera dans son futur appartement quand les travaux seront finis pour ne pas avoir de mauvaise surprise.


photos FFTA

Joël Wanner, lui, a trouvé la sagesse et est soulagé du souci de ce qu’il a perdu : le jour où on meurt, on n’emporte rien.


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