rendre compte des changements dans le quartier vu par les habitants

Le projet "saisir le changement" évolue !


Retrouver la vie quotidienne du quartier, ses habitants et les changements qui s'y font sur un nouveau site : saisir le changement

lundi 21 juin 2010

Cherifa Belhadj : libérer la parole




A la côte de roses pour tout le monde Cherifa s’appelle Bebia.

Bebia est née dans ce quartier. Elle a vécu rue Molière, rue Bossuet et elle vit dans son studio de la chaussée d'Océanie depuis que ses parents ont quitté la côte pour acheter un appartement allée Bel-air en juillet 1999.

Quand elle trouve du travail, Bebia préfère les emplois de femme de ménage car les horaires lui laissent le temps de faire ses choses à elle. Elle fait des remplacements comme à la maison de quartier ou encore à la piscine.



Sinon Bebia fait les puces de temps en temps et collecte des objets à revendre. Cela lui permet d’arrondir son Rsa, revenu de solidarité active qui est de 400€ par mois.

Elle tape « vide grenier sur internet » et elle prend sa vieille 205 pour aller faire les puces jusqu’à Rethel, Bouzonville et parfois plus loin.

Elle gagne de quoi payer l’essence et les cigarettes et faire les puces, c’est surtout l’occasion de voir du monde, communiquer avec les gens et faire quelque chose de constructif.


Bebia a été en classe jusqu’en troisième techno, elle aimait bien apprendre mais elle était plutôt en retrait quand elle était petite. Elle écrivait déjà des poèmes mais c’est le théâtre qui l’a sortie de son silence. Elle fréquentait les ateliers du TPL à l’époque où c’était gratuit. Après, il fallait acheter la carte d’abonnement aux spectacles pour y aller, elle n’avait pas les moyens.

C’est au club de prévention du centre ville qu’elle avait continué. Bebia connaissait le club depuis toute petite. Son frère Taïeb fréquentait le club et elle rencontrait les éducatrices, Nicole et Isabelle quand elle se promenait dans la rue avec lui.


la troupe du T à l'indienne dans "Déroulez jeunesse"
Elle avait donc participé à l’atelier théâtre organisé par le club : la pièce s’appelait « un trou dans la nature » avec comme metteur en scène, Abdallah Badis . Et vraiment cet homme donnait le goût de travailler et de faire mieux.

Il était juste mais c’était dur au début, depuis toute petite elle avait peur de parler avec les gens. En lui montrant par gestes comment mimer une situation, Abdallah Badis, tout en restant calme, avait su, parfois par la force, lui enlever la peur de communiquer. Isabelle, l’éducatrice qui encadrait l’atelier était là pour rassurer et s’occuper des soucis.

la pièce avait été jouée à l'Irts du Ban St Martin, au Gueulard à Nilvange, salle des tréteaux de l'Orne à Hagondange et dans la petite salle du TPL à Thionville.


Bebia écrit toujours et publie un recueil de poèmes en ligne sur le net. Elle se réveille parfois la nuit pour noter une phrase qu’elle reprend le matin au réveil. Dès que ça fait tilt dans sa tête elle prend des notes.

Aujourd’hui le quartier change, Bebia habite la partie de la barre de la chaussée d’Océanie qui ne sera pas démolie.

Son appartement devrait être complètement rénové et déjà les fenêtres ont été remplacées par des fenêtres à double vitrage. Les ouvriers n’ont même pas abimé le papier peint !


La ville fait tout pour que ça soit bien mais parfois les jeunes ne respectent rien. Quand chez elle Bebia voit des débris tomber des étages au-dessus, elle sort à sa fenêtre pour protester auprès de ses voisins : c’est pas le quartier mais la mentalité des gens qui devrait changer car c’est les gens qui font le quartier.




jeudi 3 juin 2010

Brigitte Lambert, les petits miracles du quotidien


Brigitte Lambert a grandi dans le village d’Œutrange dans la périphérie de Thionville. Les jeunes se rassemblaient dans la cour du curé. Brigitte n’hésitait pas à se défendre quand il le fallait et à piquer les mobs des garçons pour aller manger du maïs dans les champs.


A cette époque, quand un enfant rentrait de l’école après avoir pris une tannée avec l’institutrice, il en prenait une à la maison. Maintenant les rues du village sont autrement tranquilles : les enfants restent chacun chez soi devant leur ordinateur et leurs jeux vidéo.


Brigitte tient l’atelier linge situé au bout de la barre de chaussée d’Océanie, depuis dix sept ans maintenant.

L’atelier est là pour dépanner les familles nombreuses de la Côte des roses qui manquent de place pour laver et sécher le linge à la maison. Car c’est un endroit où on peut laver couette et couvertures.


Au fur et à mesure elle a vu les mentalités des habitués évoluer. Il y a encore quelques années en arrière elle devait tendre le panier à travers la porte aux maris qui venaient chercher le linge. Aujourd’hui, ces hommes qui n’entraient pas dans l’atelier à cause de la présence des femmes à l’intérieur , n’hésitent plus à rentrer.


Avec le temps, les gens ont changé, les usages aussi et depuis 2009 une nouvelle clientèle fréquente l’atelier. Ce sont les demandeurs d’asile qui vivent en hôtel en attendant une régularisation de leur situation.

Difficile de vivre en hôtel et laver et sécher le linge dans les douches. Le C.C.A.S qui finance pour partie l’atelier a conclu un partenariat avec Athènes, l’association qui accueille les gens en difficulté à Thionville et depuis, les affichettes en arméniens ou en russe cohabitent avec les affichettes en arabe pour expliquer le mode d’emploi des machines et les consignes de l’atelier.


Brigitte parle ein kleines bisschen allemand et se débrouille pour communiquer avec ces nouveaux arrivants. Pour que les opérations de lavage et de séchage se fassent dans les temps, Brigitte attribue les heures de rendez vous. Sa nouvelle clientèle a parfois du mal à les respecter et Brigitte est alors en porte à faux avec les habitants du quartier car elle est liée par son agenda : elle ne dispose que de trois machines et se retrouve bien embêtée quand elle refuse du monde à cause de rendez vous donnés à des gens qui oublient de venir.

L’atelier est devenu un endroit où les gens savent qu’ils trouveront quelqu’un qui les écoute.

Brigitte accueille les gens sans façon et naturellement.


Brigitte, chériffa et....Didier


Elle rend de petits services administratifs et sait souvent orienter les gens vers les institutions qui pourront les aider. Comme cette personne malade qui n’avait pas la C.M.U et qu’elle a emmenée au P.A.S.S, la permanence d’accès au soin de santé qui est tout à côté rue château-Jeannot.


la fête des voisins rue Chateau-Jeannot


Brigitte sait ce que c’est d’être en difficulté. Elle souffre d’une maladie rare, la maladie de Crohn et elle a longtemps été sujette à des crises de spondylarthrite ankylosante. Pendant des années elle a couru les hôpitaux en passant des tests en laboratoire dans l’espoir soulager ses douleurs. Sans succès. A cause des corticoïdes qu’elle prenait Brigitte est allée jusqu’à peser 105 kg.


Jusqu’à ses vingt huit ans Valérie Térrade, assistante sociale du C.C.A.S lui a décroché cet emploi à l’atelier linge, Brigitte est passée de T.U.C en C.E.S et de stage en stage. Elle les a enchainé, ces « projets professionnels à définir » et ces « stages en entreprise» qu’il fallait aller chercher soi-même et où elle se retrouvait à ranger des cartons dans la cave : « vous êtes sûre que c’est gratuit comme stage ? »


A l’atelier, elle a commencé par un C.E.S. Elle aurait gagné la même chose en restant à la maison mais avait envie de s’accrocher pour sortir de chez elle et chaque matin elle trouvait le courage de se lever. Sa résistance lui a permis de tenir le coup même quand elle n’arrivait plus à se servir des ses mains. Depuis deux ans maintenant que son père est mort, Brigitte a enfin un traitement stabilisant, elle n’a plus de douleurs et elle est passée de 105 à 80 kg.




La démolition de la barre où est logé l’atelier va entrainer le déménagement de l’atelier à la Maison de quartier où des aménagements permettront de créer une salle de lavage au niveau de l’entrée actuelle de la Maison à l’extérieur et un local pour recevoir les gens à l’intérieur. Les travaux devraient commencer à la fin de l’année.






Atelier Linge
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mercredi 2 juin 2010

Gabriel Audibert, une double vie




Gabriel Audibert habite la rue du pic-vert depuis 35 ans maintenant. Il est venu de Toulon s’installer à la côte des roses à la fin des années soixante. C’est un immeuble calme et il reste encore beaucoup de gens de l’époque où la plupart d’entre eux travaillaient aux laminoirs. Ils formaient une sorte de communauté et les choses se passent mieux quand les gens se connaissent.









De 1972 à 1983 Gabriel Audibert a siégé au conseil municipal de Thionville aux côtés de Paul Souffrin qui lui avait proposé d’être sur la liste à l’époque où il était délégué syndical CGT aux laminoirs.

Elu, il était devenu président du syndicat des transports routiers et travaillait en lien avec les services de la DDT pour intervenir avec le bon sens du citoyen sur les tracés de route et de rond point de l’agglomération de communes.


Mais avant cette vie thionvilloise, Gabriel avait déjà une existence bien remplie.





A treize ans déjà, il était fier de pouvoir travailler comme porteur de cageot au marché, apprenti plombier et toute sortes de petits métiers.


Sur le port de Toulon, les enfants montaient en catimini sur les tartanes qui revenaient d’Espagne chargées d’oranges et de vin. Les enfants goûtaient le vin en perçant les barriques avant de les colmater soigneusement : ainsi, pour une gorgée de vin dérobée, les marins laissaient faire.



A dix huit ans Gabriel s’engage dans la marine et participe à la campagne de reconquête de l’Allemagne. Ils étaient quatre a bord d’une barque en patrouille sur le Rhin. C’était à hauteur de Kehl, complètement évacuée par la population allemande, il fallait empêcher les pillages.


A dix neuf ans Gabriel se retrouve en Indochine. En 1954 et pendant deux ans, Il est cuisinier du bord et canonnier sur le Jules Vernes, un navire atelier. Il sait ce que ça fait de pilonner un village sur la côte.


Après la guerre, alors qu’il est en poste à New York, Gabriel sera sollicité par l’ambassadeur pour servir dans ses cuisines. Mais il est marié à Toulon et refuse. Quand il a fait un choix il s’y tient.

Il sera le cuisinier du préfet maritime de Toulon. C’est un bon poste, mais la famille s’agrandit et il lui faudrait partir en mer pour arrondir ses fins de mois.

L’amiral en poste acceptera de se séparer de lui et exigera pour lui le plus petit bateau de la flotte. Notre quartier-maitre-chef embarque donc sur un chasseur 131 que nous ont laissé les américains en partant et ainsi il fait la navette entre Port-Petiot et les salins d’Hyères, dans la rade de Toulon.




Devenu veuf, Gabriel Audibert retraité de la marine, se décide à partir vivre en lorraine à l’âge de cinquante ans. Il sera d’abord gérant d’une petite épicerie à Yutz en face de l’église. Puis il entre aux laminoirs et se remarie en 1975. A cette époque, Il descendait encore régulièrement à Toulon voir ses filles.


Aujourd’hui il a 87 ans et ne fait plus la route vers Toulon.

Mais il a toujours la forme et dès que le temps le permet, il joue aux boules.




Et en février de cette année l’assemblée générale des Trois Boules a élu Gabriel Audibert vice président de l’association, donc ils sont contents de lui. Il sait mettre de l’ambiance et arrondir les angles. Les responsabilités, il faut aimer ça. Faire du bien et arranger les choses si possible, accepter de dialoguer, être logique, pas sectaire et surtout pas de privilèges !

Monsieur Escobar est le président et le comité compte sept membres qui décident en dernier recours. L’association n’a pas d’accréditation sportive et ne peut jouer sur le boulodrome municipal mais tout le monde se retrouve autour du terrain au bas de la rue Racine, dès qu’il fait beau, à jouer et discuter en buvant une bière ou un soda. Le bar portatif est confié aux bons soins du trésorier, Franco Frangella et quand il fait mauvais, il y a le local de repli pour jouer à la belote car il ne faut pas oublier, le nom de l’association c’est « les Trois Boules et Loisirs » !



Du côté des boulistes
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