rendre compte des changements dans le quartier vu par les habitants

Le projet "saisir le changement" évolue !


Retrouver la vie quotidienne du quartier, ses habitants et les changements qui s'y font sur un nouveau site : saisir le changement

mardi 3 août 2010

Chantal Lécluse : 27 ans à la Perdrix

Chantal Lécluse vit dans la tour de la perdrix depuis le deux décembre 1981. Chantal n’a jamais connu son père. Elle est née du côté de Sarrebourg en 1951 et son père militaire est mort dans un accident de jeep quand elle avait dix mois. C’est sa grand-mère qui l’a élevée dans la maison familiale de Terville. Son grand-père était venu du nord après la guerre pour travailler chez Usinor. A la maison il fallait marcher droit, être poli et surtout ne pas se faire remarquer quand on est en visite : ne rien demander, montrer du respect pour qu’on puisse dire à la grand-mère « comme ils ont été bien élevés ces enfants ».



Quand Chantal demandait pourquoi sa mère n’était pas avec eux, sa grand-mère répondait qu’elle était très indépendante. En fait, elle n’avait même pas eu le temps de se marier et avoir un enfant hors mariage était très mal vu à l’époque. Les enfants d’aujourd’hui ne sont pas élevés de la même façon. Avant on interdisait aux enfants sans leur expliquer pourquoi. Maintenant ils osent demander. Chantal n’y pensait même pas. Aujourd’hui c’est une lourde responsabilité d’élever des enfants : on les informe et on leur explique les choses car on veut qu’ils réussissent sans se faire manger par des profiteurs et rattraper par le mauvais et l’instabilité. Les enfants de maintenant ont plus de tentations, dans un magasin ils voient tout ce qu’il y a et demandent : « Maman pourquoi t’achète pas ça ? ». Ses petits enfants sont élevés fermement mais Ils veulent dépasser les interdits, ils bougent. Chantal a élevé ses deux filles toute seule.



Elle se marie à 26 ans en 1978, sa fille Alice nait en 1979, Jessica en 1982 et Chantal divorce quelques mois plus tard.

Son mari va se laisser aller complètement, faire de la prison et devenir sans domicile fixe. Il vivra chez l’un chez l’autre à la côte toujours sur la brèche et totalement immature. Chantal n’a pas connu d’autre échec. Il lui a fallu assumer, retravailler comme avant son mariage, agent hospitalier ou aide en maison de retraite. Elle aurait pu partir mais elle avait déjà des amis dans le quartier et l’école pour les filles n’était pas loin, l’hôpital et la sécu aussi.



Elle a vu le quartier changer. C’est très triste de voir des enfants se laisser aller. On vit avec eux, on les connaît depuis la maternelle et certains s’en sortent et d’autre pas. Du temps de monsieur Pieltant, le concierge qui vivait au rez-de-chaussée de la perdrix, l’immeuble était correct propre et calme. Son départ a précédé la dérive de la drogue et de l’alcool. Les enfants de la tour n’étaient plus à l’abri. Un club de prévention avait pris la place du concierge et c’était bien au début et puis ça a dégénéré avec l’afflux de jeunes de partout, trafic et incendies de caves. Il y a des choses qu’on ne peut oublier : un jeune avait noyé tout l’immeuble en ouvrant une vanne incendie au neuvième étage. Deux électriciens étaient venus réparer car toutes les armoires électriques étaient hors d’usage.



Un arc électrique s’était alors produit entre le vide-ordure et l’armoire et avait grièvement blessé un des deux hommes. Toute la chair, de son bras à la taille était à vif, la peau arrachée. L’Opac qui n’était pas encore Moselis avait décidé de faire fermer le club qui n’avait rouvert que bien plus tard, mais seulement pour l’aide aux devoirs.




Aujourd’hui l’immeuble de la perdrix doit être démoli. Les gens de Présence habitat sont venus il y a plus d’un an en compagnie de la médiatrice Paola Morelli.

Chantal vit seule aujourd’hui mais elle tient à conserver son mobilier en bois massif. Il avait été convenu qu’un grand F2 aux Basses-terres ferait l’affaire et Chantal était contente car cela la rapprocherait du centre le Lierre. Car son idée est de ne pas être séparée du Lierre : elle en a besoin.


Chantal avec ses collègues des ateliers du Lierre


Depuis qu’elle est au RMI, Chantal fréquente les ateliers cuisine et couture qui sont organisés par le centre. Cela lui a permis de redécouvrir la Côte des roses : elle s’est ouvert un peu plus aux autres et a appris à rencontrer les gens qu’elle ne connaissait que de vue et qui viennent aussi aux ateliers. Elle vivait une sorte de solitude et quand on reçoit un geste, un sourire, on laisse finalement l’amertume de côté « tu as vécu 27 ans là et puis c’est tout ».

Depuis un an et demi elle écrit un récit bâti autour du parcours du GR20 en Corse. Avec Monique et Saveria elle imagine les étapes du voyage des personnages qu’elles ont inventé dans l’atelier de Français de madame Noël. Ça fait travailler.

Mais pour l’appartement aux Basse-terres, ils ont attendu plus d’un an avant de lui dire que ce n’était plus possible. Maintenant elle attend un logement rue de la pomperie puisqu’ils sont réservés au relogement Moselis mais ils disent « est-ce que ce n’est pas trop cher pour vous ? » Chantal aimerait bien savoir à quelle sauce elle va être mangée. Elle veut savoir ce qui l’attend. Elle ne cesse d’y penser. Dans le fin fond elle a toujours une inquiétude mais elle doit aller au-delà et prendre ses responsabilités. Jusqu’ici, elle attendait, maintenant c’est à eux de prendre leur responsabilité et de lui faire une proposition concrète.





les nouveaux immeubles du chemin de la pomperie à Thionville




dimanche 18 juillet 2010

Madame Aggoune a déménagé!



Voilà, c’est fait, madame Aggoune est relogée dans un appartement neuf de la rue de la garenne. Le déménagement s’est fait en un jour seulement car elle avait préparé les cartons pendant tout le mois d’avant.




Les temps changent et les responsables aussi : la mauvaise expérience du relogement d’Uckange à Thionville est loin et madame Aggoune remercie Magali Tonoli pour son bon cœur et sa compétence et monsieur Cochet, le directeur de Batigère Thionville pour avoir compris ce qu’elle voulait. Les choses ne se sont pas toujours passées en douceur et ils pourraient revoir leur politique d’accueil téléphonique par exemple mais madame Aggoune quand elle est sûre de ses droits ne se laisse pas décourager facilement. Mais pourquoi aurait-elle été vivre à Kœnigsmaker comme ils l’avaient proposé à sa voisine ? Elle est bien à Thionville.

Enfin, une nouvelle vie commence, c’est une revanche pour le bonheur. Le chagrin épuise et elle ne regrette pas de s’être exprimée : si on ne se manifeste pas on ne sera jamais respecté.

Après son divorce en 1984, madame Aggoune savait à peine comment venir d’Uckange à Thionville. Elle a appris à s’affranchir et à faire son chemin malgré les problèmes, et l’amertume de la vie. En 1976 déjà elle avait fait les démarches toute seule pour régulariser ses papiers.


Madame Aggoune pas n’accepte la condition de femme soumise : rester chez soi, ne parler avec personne, c’est une vie étouffante. Son divorce s’était mal passé, elle s’était sentie trainée dans la boue mais vive la France, les choses se passent différemment de l’Algérie où, quand une femme divorce elle n’a d’autre choix que de retourner chez son père. Ici les associations s’occupent des femmes et les aident à faire respecter leur droit. Madame Aggoune peut enfin développer son potentiel, apprendre, s’informer et transmettre son expérience.





Madame Aggoune a déménagé
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lundi 21 juin 2010

Cherifa Belhadj : libérer la parole




A la côte de roses pour tout le monde Cherifa s’appelle Bebia.

Bebia est née dans ce quartier. Elle a vécu rue Molière, rue Bossuet et elle vit dans son studio de la chaussée d'Océanie depuis que ses parents ont quitté la côte pour acheter un appartement allée Bel-air en juillet 1999.

Quand elle trouve du travail, Bebia préfère les emplois de femme de ménage car les horaires lui laissent le temps de faire ses choses à elle. Elle fait des remplacements comme à la maison de quartier ou encore à la piscine.



Sinon Bebia fait les puces de temps en temps et collecte des objets à revendre. Cela lui permet d’arrondir son Rsa, revenu de solidarité active qui est de 400€ par mois.

Elle tape « vide grenier sur internet » et elle prend sa vieille 205 pour aller faire les puces jusqu’à Rethel, Bouzonville et parfois plus loin.

Elle gagne de quoi payer l’essence et les cigarettes et faire les puces, c’est surtout l’occasion de voir du monde, communiquer avec les gens et faire quelque chose de constructif.


Bebia a été en classe jusqu’en troisième techno, elle aimait bien apprendre mais elle était plutôt en retrait quand elle était petite. Elle écrivait déjà des poèmes mais c’est le théâtre qui l’a sortie de son silence. Elle fréquentait les ateliers du TPL à l’époque où c’était gratuit. Après, il fallait acheter la carte d’abonnement aux spectacles pour y aller, elle n’avait pas les moyens.

C’est au club de prévention du centre ville qu’elle avait continué. Bebia connaissait le club depuis toute petite. Son frère Taïeb fréquentait le club et elle rencontrait les éducatrices, Nicole et Isabelle quand elle se promenait dans la rue avec lui.


la troupe du T à l'indienne dans "Déroulez jeunesse"
Elle avait donc participé à l’atelier théâtre organisé par le club : la pièce s’appelait « un trou dans la nature » avec comme metteur en scène, Abdallah Badis . Et vraiment cet homme donnait le goût de travailler et de faire mieux.

Il était juste mais c’était dur au début, depuis toute petite elle avait peur de parler avec les gens. En lui montrant par gestes comment mimer une situation, Abdallah Badis, tout en restant calme, avait su, parfois par la force, lui enlever la peur de communiquer. Isabelle, l’éducatrice qui encadrait l’atelier était là pour rassurer et s’occuper des soucis.

la pièce avait été jouée à l'Irts du Ban St Martin, au Gueulard à Nilvange, salle des tréteaux de l'Orne à Hagondange et dans la petite salle du TPL à Thionville.


Bebia écrit toujours et publie un recueil de poèmes en ligne sur le net. Elle se réveille parfois la nuit pour noter une phrase qu’elle reprend le matin au réveil. Dès que ça fait tilt dans sa tête elle prend des notes.

Aujourd’hui le quartier change, Bebia habite la partie de la barre de la chaussée d’Océanie qui ne sera pas démolie.

Son appartement devrait être complètement rénové et déjà les fenêtres ont été remplacées par des fenêtres à double vitrage. Les ouvriers n’ont même pas abimé le papier peint !


La ville fait tout pour que ça soit bien mais parfois les jeunes ne respectent rien. Quand chez elle Bebia voit des débris tomber des étages au-dessus, elle sort à sa fenêtre pour protester auprès de ses voisins : c’est pas le quartier mais la mentalité des gens qui devrait changer car c’est les gens qui font le quartier.




jeudi 3 juin 2010

Brigitte Lambert, les petits miracles du quotidien


Brigitte Lambert a grandi dans le village d’Œutrange dans la périphérie de Thionville. Les jeunes se rassemblaient dans la cour du curé. Brigitte n’hésitait pas à se défendre quand il le fallait et à piquer les mobs des garçons pour aller manger du maïs dans les champs.


A cette époque, quand un enfant rentrait de l’école après avoir pris une tannée avec l’institutrice, il en prenait une à la maison. Maintenant les rues du village sont autrement tranquilles : les enfants restent chacun chez soi devant leur ordinateur et leurs jeux vidéo.


Brigitte tient l’atelier linge situé au bout de la barre de chaussée d’Océanie, depuis dix sept ans maintenant.

L’atelier est là pour dépanner les familles nombreuses de la Côte des roses qui manquent de place pour laver et sécher le linge à la maison. Car c’est un endroit où on peut laver couette et couvertures.


Au fur et à mesure elle a vu les mentalités des habitués évoluer. Il y a encore quelques années en arrière elle devait tendre le panier à travers la porte aux maris qui venaient chercher le linge. Aujourd’hui, ces hommes qui n’entraient pas dans l’atelier à cause de la présence des femmes à l’intérieur , n’hésitent plus à rentrer.


Avec le temps, les gens ont changé, les usages aussi et depuis 2009 une nouvelle clientèle fréquente l’atelier. Ce sont les demandeurs d’asile qui vivent en hôtel en attendant une régularisation de leur situation.

Difficile de vivre en hôtel et laver et sécher le linge dans les douches. Le C.C.A.S qui finance pour partie l’atelier a conclu un partenariat avec Athènes, l’association qui accueille les gens en difficulté à Thionville et depuis, les affichettes en arméniens ou en russe cohabitent avec les affichettes en arabe pour expliquer le mode d’emploi des machines et les consignes de l’atelier.


Brigitte parle ein kleines bisschen allemand et se débrouille pour communiquer avec ces nouveaux arrivants. Pour que les opérations de lavage et de séchage se fassent dans les temps, Brigitte attribue les heures de rendez vous. Sa nouvelle clientèle a parfois du mal à les respecter et Brigitte est alors en porte à faux avec les habitants du quartier car elle est liée par son agenda : elle ne dispose que de trois machines et se retrouve bien embêtée quand elle refuse du monde à cause de rendez vous donnés à des gens qui oublient de venir.

L’atelier est devenu un endroit où les gens savent qu’ils trouveront quelqu’un qui les écoute.

Brigitte accueille les gens sans façon et naturellement.


Brigitte, chériffa et....Didier


Elle rend de petits services administratifs et sait souvent orienter les gens vers les institutions qui pourront les aider. Comme cette personne malade qui n’avait pas la C.M.U et qu’elle a emmenée au P.A.S.S, la permanence d’accès au soin de santé qui est tout à côté rue château-Jeannot.


la fête des voisins rue Chateau-Jeannot


Brigitte sait ce que c’est d’être en difficulté. Elle souffre d’une maladie rare, la maladie de Crohn et elle a longtemps été sujette à des crises de spondylarthrite ankylosante. Pendant des années elle a couru les hôpitaux en passant des tests en laboratoire dans l’espoir soulager ses douleurs. Sans succès. A cause des corticoïdes qu’elle prenait Brigitte est allée jusqu’à peser 105 kg.


Jusqu’à ses vingt huit ans Valérie Térrade, assistante sociale du C.C.A.S lui a décroché cet emploi à l’atelier linge, Brigitte est passée de T.U.C en C.E.S et de stage en stage. Elle les a enchainé, ces « projets professionnels à définir » et ces « stages en entreprise» qu’il fallait aller chercher soi-même et où elle se retrouvait à ranger des cartons dans la cave : « vous êtes sûre que c’est gratuit comme stage ? »


A l’atelier, elle a commencé par un C.E.S. Elle aurait gagné la même chose en restant à la maison mais avait envie de s’accrocher pour sortir de chez elle et chaque matin elle trouvait le courage de se lever. Sa résistance lui a permis de tenir le coup même quand elle n’arrivait plus à se servir des ses mains. Depuis deux ans maintenant que son père est mort, Brigitte a enfin un traitement stabilisant, elle n’a plus de douleurs et elle est passée de 105 à 80 kg.




La démolition de la barre où est logé l’atelier va entrainer le déménagement de l’atelier à la Maison de quartier où des aménagements permettront de créer une salle de lavage au niveau de l’entrée actuelle de la Maison à l’extérieur et un local pour recevoir les gens à l’intérieur. Les travaux devraient commencer à la fin de l’année.






Atelier Linge
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mercredi 2 juin 2010

Gabriel Audibert, une double vie




Gabriel Audibert habite la rue du pic-vert depuis 35 ans maintenant. Il est venu de Toulon s’installer à la côte des roses à la fin des années soixante. C’est un immeuble calme et il reste encore beaucoup de gens de l’époque où la plupart d’entre eux travaillaient aux laminoirs. Ils formaient une sorte de communauté et les choses se passent mieux quand les gens se connaissent.









De 1972 à 1983 Gabriel Audibert a siégé au conseil municipal de Thionville aux côtés de Paul Souffrin qui lui avait proposé d’être sur la liste à l’époque où il était délégué syndical CGT aux laminoirs.

Elu, il était devenu président du syndicat des transports routiers et travaillait en lien avec les services de la DDT pour intervenir avec le bon sens du citoyen sur les tracés de route et de rond point de l’agglomération de communes.


Mais avant cette vie thionvilloise, Gabriel avait déjà une existence bien remplie.





A treize ans déjà, il était fier de pouvoir travailler comme porteur de cageot au marché, apprenti plombier et toute sortes de petits métiers.


Sur le port de Toulon, les enfants montaient en catimini sur les tartanes qui revenaient d’Espagne chargées d’oranges et de vin. Les enfants goûtaient le vin en perçant les barriques avant de les colmater soigneusement : ainsi, pour une gorgée de vin dérobée, les marins laissaient faire.



A dix huit ans Gabriel s’engage dans la marine et participe à la campagne de reconquête de l’Allemagne. Ils étaient quatre a bord d’une barque en patrouille sur le Rhin. C’était à hauteur de Kehl, complètement évacuée par la population allemande, il fallait empêcher les pillages.


A dix neuf ans Gabriel se retrouve en Indochine. En 1954 et pendant deux ans, Il est cuisinier du bord et canonnier sur le Jules Vernes, un navire atelier. Il sait ce que ça fait de pilonner un village sur la côte.


Après la guerre, alors qu’il est en poste à New York, Gabriel sera sollicité par l’ambassadeur pour servir dans ses cuisines. Mais il est marié à Toulon et refuse. Quand il a fait un choix il s’y tient.

Il sera le cuisinier du préfet maritime de Toulon. C’est un bon poste, mais la famille s’agrandit et il lui faudrait partir en mer pour arrondir ses fins de mois.

L’amiral en poste acceptera de se séparer de lui et exigera pour lui le plus petit bateau de la flotte. Notre quartier-maitre-chef embarque donc sur un chasseur 131 que nous ont laissé les américains en partant et ainsi il fait la navette entre Port-Petiot et les salins d’Hyères, dans la rade de Toulon.




Devenu veuf, Gabriel Audibert retraité de la marine, se décide à partir vivre en lorraine à l’âge de cinquante ans. Il sera d’abord gérant d’une petite épicerie à Yutz en face de l’église. Puis il entre aux laminoirs et se remarie en 1975. A cette époque, Il descendait encore régulièrement à Toulon voir ses filles.


Aujourd’hui il a 87 ans et ne fait plus la route vers Toulon.

Mais il a toujours la forme et dès que le temps le permet, il joue aux boules.




Et en février de cette année l’assemblée générale des Trois Boules a élu Gabriel Audibert vice président de l’association, donc ils sont contents de lui. Il sait mettre de l’ambiance et arrondir les angles. Les responsabilités, il faut aimer ça. Faire du bien et arranger les choses si possible, accepter de dialoguer, être logique, pas sectaire et surtout pas de privilèges !

Monsieur Escobar est le président et le comité compte sept membres qui décident en dernier recours. L’association n’a pas d’accréditation sportive et ne peut jouer sur le boulodrome municipal mais tout le monde se retrouve autour du terrain au bas de la rue Racine, dès qu’il fait beau, à jouer et discuter en buvant une bière ou un soda. Le bar portatif est confié aux bons soins du trésorier, Franco Frangella et quand il fait mauvais, il y a le local de repli pour jouer à la belote car il ne faut pas oublier, le nom de l’association c’est « les Trois Boules et Loisirs » !



Du côté des boulistes
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mardi 18 mai 2010

Jack Balzan : jacky la bonne étoile


Jack Balzan vient de quitter la Côte des roses et son ex-amie de cœur pour retrouver l’appartement où vit sa mère depuis cinquante ans maintenant au centre ville. Jack est comme chez lui à la côte : son parrain habite là, ses cousins, la Côte c’est les amis et les sorties. Il était encore là quand les gens de Batigère sont venus annoncer la future démolition de la barre du boulevard d’Océanie et recueillir les vœux de relogement de son amie.

Il était temps de démolir car rien n’est plus aux normes dans ces immeubles, l’électricité d’abord avec des fils de 1,5 de diamètre pour 2,5 aujourd’hui, les prises de terre qui manquent, les écoulements défectueux. Pourtant il a tout refait dans cet appartement mais il vaut mieux raser tout : à l’époque ils n’avaient pas les matériaux qu’on a maintenant. Les appartements sont insalubres et ça reviendrait plus cher de refaire que de démolir.

Jack a aussi vécu rue St Barbe entre 1991 et 1994.

Mais la bonne époque était déjà passée : la côte avait déjà sa mauvaise image à cause de la drogue. Son copain « mégot » était déjà tombé en 88 : il avait pris cinq ans pour avoir volé un commissaire de police.



la deuxième épouse de Jack

1991 c’est quand jack a donné sa démission à la ville.

Il avait travaillé comme chauffeur poids-lourds pendant quinze ans avant de partir sur un coup de tête.




Il avait une maison à Basse-Ham qu’il avait mis cinq ans à construire, il était le chauffeur le mieux payé de la ville mais, même Monsieur Mastropolito n’avait pu le retenir et à cause d’une dispute avec un collègue, il avait démissionné.


une amie de jack en 1994

1994 c’est l’année où Jack a été arrêté pour avoir braqué deux agences bancaires le même jour.


Une à la côte et une en ville.

Jack avait pété un câble. Poussé par le manque d’argent, le besoin de s’affirmer et l’alcool, il avait pris le risque d’attaquer sa propre banque.



Il savait qu’il avait été reconnu.

Il s’attendait donc à être arrêté et toute la journée il avait payé à boire à ses copains pendant que la police, craignant qu’il ne soit armé, guettait au coin de la rue.

Neuf heures après son forfait il était fait prisonnier au café de Paris.

En prison, la règle est simple : si on veut être respecté, il faut respecter les autres et donc les matons. Jack a l’habitude de régler ses problèmes tout seul, il a toujours su se battre. Dès le début il a un conflit avec un gardien qui lui prédit qu’il est comme les autres, tout juste bon à lui caillasser sa voiture à l’extérieur et qu’il reviendra en prison. Jack mettra sa fierté à lui prouver le contraire.

La prison, ce n’est pas son monde, on n’y côtoie que des gens sans maturité et sans respect d’eux-mêmes, le plus souvent sous l’emprise de la drogue. Il devient auxiliaire, distribue le café le matin, le repas de midi plus un peu de ménage dans son couloir. En contrepartie il circule assez librement dans la prison : l’auxiliaire sert de relai entre les surveillants et les prisonniers en régulant le couloir.

Jack balzan a une bonne étoile : il a déjà échappé à la mort trois fois. Sa première femme l’a poignardé, il a percuté le monument aux morts de Kœnigsmaker en état d’ivresse et d’excès de vitesse, ce qui lui vaut sa cicatrice sur le nez, et il a eu juste eu le temps de sauter de sa voiture en panne sur un passage à niveau avant que le train ne la traîne sur plusieurs centaines de mètres.



Cette fois-ci, la banque a omis de se porter partie civile jusqu’à la veille du procès, c’est un défaut de procédure et il est libéré à la barre : jack n’aura passé que quinze mois en prison.

Il passe aux assises en 1997 et il est condamné à trois ans avec sursis grâce à ses efforts de réinsertion par le travail. Comme il l’avait promis au gardien qui est devenu son ami par la suite, il ne retournera pas en prison.


Aujourd’hui, il veille sur sa mère et s’est découvert un talent à part : Jack tire les cartes. Il n’a pas besoin de faire parler ceux qui le consultent pour savoir quoi leur dire: il laisse les cartes faire.






mercredi 5 mai 2010

Aziz Belkessam: la sagesse Kabyle


Aziz Belkessam est arrivé en France en 2002 pour finir ses études à l’université de Provence à Marseilles.







Il a une licence de biologie.


Il vit à la Côte des Roses depuis plus de trois ans mais il n’a découvert l’annexe de la bibliothèque municipale que l’automne dernier. Il avait l’habitude de fréquenter celle du centre ville avec sa femme et quand il s’est finalement inscrit, il a appris l’existence de l’annexe située dans la maison de quartier.

Sa femme a un D.U.T en agroalimentaire, elle lit beaucoup et l’accès à la bibli c’est bien : récemment ils voulaient acheter un livre et il a constaté que la bibliothèque l'avait déjà en rayon.






Quand Aziz Belkessam est arrivé à Thionville il a d’abord travaillé à l’hôpital Bel-air dans un service d’hygiène et sécurité mais pour des raisons financières, il a choisi de travailler dans une entreprise de sécurité comme vigile jusqu’en 2009.

Aujourd’hui il a trente et un an et se retrouve au chômage. Aziz ne peut pas rester longtemps au chômage, il n’a pas envie d’être assimilé à un cas social. Quand on vient du Maghreb et qu’on devient chômeur « on paye sa race ». Il ne veut pas de l’image de «l’arabe qui ne fait rien».



Aziz est originaire de Bouïra en Kabylie. Son quartier est grand comme la côte des roses et tout le monde se connait. Le respect va de soi, un grand-frère passe dans la rue et sa présence suffit à calmer les enfants. Il y a une vraie solidarité et chacun veille naturellement à la paix commune. L’harmonie est une question d’intelligence. Ici en France, entre les différentes communautés on ne sait pas toujours de quel côté ça cloche mais celui qui est intelligent accepte la différence.

Par exemple, les mauvais garçons, personne ne leur donne d’importance : les traquer leur donne justement l’importance qu’ils cherchent et cela renforce leurs penchants. Quand Aziz voit un jeune mal agir il lui rappelle que son père est un homme de bien et cette parole suffit à apaiser les choses.

Les gens ont tout et pourtant ce n’est jamais suffisant : la vraie richesse est de savoir gérer sa vie personnelle par rapport aux autres. Celui qui vit naturellement est comme une plante qui pousse là où elle est. Si tu n’es pas trop égoïste tu auras ta part dans la vie. Le père d’Aziz était un simple fellah. Il a été torturé pendant la guerre d’indépendance et n’a pas reçu d’indemnités pour ses souffrances. Il n’a jamais rien demandé mais la vie lui a donné sept fils qui ont tous été bacheliers et à sa mort, il était vraiment respecté dans le pays. Si un homme fait le bien, ses enfants trouveront une porte ouverte un jour.

Il ne faut pas toujours attendre sur les autres mais être capable de défendre ses idées, ne pas être gourmand mais juste et ne pas accepter de vivre dans des conditions indignes. Les anciens disaient parfois « ah c’est pas cher » mais ce qui n’est pas cher finit par se payer : il faut payer le prix juste pour être à la hauteur de la vie qu’on veut.

En ce moment Aziz est chômeur mais il reste digne. Celui qui vient de bon cœur fini par réussir. En Algérie comme ici les choses s’améliorent peu à peu, tout le monde mange et en fait, on travaille et on cotise pour les autres, on travaille contre la pauvreté. Le changement c’est bien, si on connaît sa valeur.


université Mira à Bejaia (anciennement Bougie) où Aziz a commencé ses études

depuis cette entrevue, Aziz Belkessam a retrouvé un emploi au Luxembourg.






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