rendre compte des changements dans le quartier vu par les habitants

Le projet "saisir le changement" évolue !


Retrouver la vie quotidienne du quartier, ses habitants et les changements qui s'y font sur un nouveau site : saisir le changement

mercredi 29 septembre 2010

Marcelle Pouyet, l'époque des familles nombreuses.


Marcelle Pouyet est née à Chatillon dans l’Indre en 1921. Son père était gendarme. Marcelle a seize ans quand elle perd sa mère. C’est elle qui s’occupera de sa famille désormais.

Elle a vingt trois ans quand, en août 1944, les allemands en retraite passent dans la ville et fusillent à la Riperie, plusieurs garçons de son âge parmi les maquisards.

Elle quitte l’Indre après la fin de la guerre avec son mari et sa fille ainée, pour s’installer à Jargeau, dans le Loiret. Marcelle y donnera naissance à sept enfants en onze ans.

Le fleuve était juste de l'autre côté de la route, au pied de l'immeuble où ils vivaient. Marcelle attachait ses enfants avec une ficelle à une gouttière, de peur qu’ils ne tombent dans la Loire.

M. Pouyet travaillait comme ouvrier à «la Française de route» mais les salaires qu’offrait la sidérurgie dans les années 60 le décideront à rejoindre la Lorraine. Il travaillera à la cokerie d’Ebange pour Sollac. La famille débarque donc à la côte des roses, les immeubles sont à peine sortis de terre mais l’appartement est luxueux : six chambres, une salle de bain et les W.C à l’intérieur. Ca change du quarante huit mètres carrés où s’entassait la famille à Jargeau. Dans l’immeuble on comptait plusieurs familles nombreuses, il y avait tellement d’enfants que les gens formaient une grande famille et que l’entraide régnait. On trouvait toujours une voisine pour surveiller les gosses le temps d’une course et même pour partager les repas : quand on en fait pour huit… Mais huit enfants c’est beaucoup, et si madame Pouyet avait eu le choix elle se serait contentée de deux.


Mais voilà, à l’époque on ne savait rien du tout de ces choses là et on ne parlait surtout pas de contraception. Plus tard, Marcelle Pouyet élèverait trois de ses petites filles et le jour de leurs premières règles, elle leur dirait que si elles voulaient savoir quelque chose, elle les accompagnerait chez le médecin. La génération de Marcelle ne dialoguait pas avec ses parents et ceux-ci se cachaient pour tout. Il n’y avait pas de télévision pour s’informer et les mères ne disaient rien sur ces sujets.

En plus à l’époque, quand on était enceinte, on ne savait jamais à l’avance quel serait le sexe du bébé, ni combien on en aurait. Aussi quand on lui a annoncé un jour qu’elle avait des jumeaux, Marcelle Pouyet a laissé éclater sa joie. « Pauvre imbécile » lui a dit son mari qui savait quel surcroit de travail cela représentait. Sur ce plan là Marcelle avait de la chance car son mari prenait sa part des tâches ménagères. La lessiveuse à bouillir dans la cuisine après avoir frotté le linge sur une planche en bois. Le rinçage à grande eau et tous ces langes qu’il fallait laver. C’est que les couches jetables pour bébés n’existaient pas non plus. Les bébés étaient entourés d’une couche, d’un linge intermédiaire et du lange, tout ça sans épingles à nourrice et il fallait bien saisir le bébé sinon il aurait glissé à terre en vous laissant les couches dans les mains. La lessive était une corvée permanente.

Pourtant, la première chose que les Pouyet achèteront rue Molière, ce n’est pas une machine à laver mais un poste de télévision. Tout ça à crédit bien sûr.

Madame Pouyet a quitté le rez-de-chaussée que la famille occupait depuis son arrivée pour un appartement plus petit au premier. Son mari est mort en 1991 d'un emphysème, conséquence probable d'un accident du travail jamais indemnisé : il a été le dernier de ses collègues gazés à décéder.

La rénovation du quartier a amener le bailleur à transformer les grands six pièces du dessus en trois pièces et cela fait plus de bruit et moins de stabilité dans l’immeuble. Des douches ont étés installées et on a changé l’évier des cuisines.

Mais l’exécution des travaux laisse à désirer, il y a toujours un trou pas rebouché ou un morceau de lino pas posé. Et les ouvriers ne sont jamais responsables parce que ce n’est pas eux qui l’on fait. Madame Pouyet a même subi une inondation dont la suite n’est toujours pas réglée faute d’une signature d’un responsable sur un papier que le bailleur doit transmettre à l’assureur : dans une chambre du fond se trouvait un lavabo inutile. Les ouvriers ont trouvé le moyen de l’arracher du mur sans couper l’eau : on peut imaginer les dégâts.


l'accès au dos de l'immeuble est fermé pour protéger le terrain des boulistes mais le champ du noyer, propriété de la ville est laissé à l'abandon et jamais plus fauché car inaccessible.

Il y a aussi le noyer derrière l’immeuble : aujourd’hui il est inaccessible car l’association des boulistes en a condamné l’accès. On a toujours peur que le linge qui sèche de ce côté-là ne tombe et soit irrécupérable. Sinon l’entraide existe encore, M.Vagli lui monte toujours le journal après avoir rempli la grille de sudoku, Marcelle n’y connaît rien en jeux, et madame Palz lui apporte son pain tous les matins avant de revenir le soir pour l’aider un peu avant le coucher.

Mesdames Palz, Lambolez et Bianchi-haut




mardi 28 septembre 2010

Bruno Baldelli: de l'Ombrie à la Lorraine

Fichier:baldelli8.jpg

Bruno et Bruna Baldelli ont habité le square Fénelon à Thionville à partir du 1er décembre 1962. Bruno a vingt cinq ans et déjà deux enfants de 8 et 6 ans. Quand Bruna l’a rejoint en décembre 1957, c’est à Waldvisse qu’il a trouvé une maison en attendant un logement H.L.M. Il travaille déjà comme cokier à Sérémange et il parcourt 80 km chaque jour pour aller travailler : au début, en vélo, levé à deux heures pour prendre son poste à cinq heures du matin puis en mobylette et enfin en Vespa. Et l’hiver, quand la Vespa commence à partir sur le verglas et qu’il se retrouve les fesses par terre au milieu de la route, c’est casse-cou et heureusement, à quatre heures du matin, il n’y a pas de circulation.


Fichier:vignes.jpg



Bruno Baldelli vient d’une famille de fermiers de Perugia, en Italie La vie à la ferme était dure. Non seulement il fallait partager le produit des terres avec le propriétaire, une part pour lui une part pour la famille de huit enfants mais en plus il fallait travailler comme fermier sur les terres que le grand-père avait perdu aux cartes.

Aussi, quand il entend parler de recrutement pour de Wendel, Bruno part à Milan passer deux jours d’examens et de test médicaux avant d’être enrôlé et de prendre un de ces trains pour la France, rempli de garçons comme lui.

Arrivé en lorraine il va quitter assez vite de Wendel pour Sollac et jusqu’en 1985 Bruno va travailler à la transformation du charbon en coke.

Alimenter le four en charbon dans une ambiance surchauffée, il faut aimer ça et ne pas avoir peur de la poussière. Il fallait pilonner le charbon avec six énormes pilons pour le réduire en briques avant de le cuire pendant 17 heures en récupérant les produits dérivés du charbon, gaz, goudrons, benzol.

Fichier:acier.jpg Puis, il fallait refroidir le coke avec de l’eau sous pression avant de l’acheminer vers les hauts-fourneaux où, mélangé au minerai de fer, il devenait de la fonte d’acier.

Son temps libre Bruno le consacrait au jardinage. Toutes ces années, il a loué des jardins à la Malgrange, derrière St François et jusqu’à Yutz, à l’emplacement du garage Peugeot d’aujourd’hui. Il cultivait la terre la nuit, dormait trois où quatre heures et repartait à l’usine. C’était à la fois un plaisir et un moyen d'améliorer l'ordinaire car sa femme et lui étaient d’accord pour que leurs enfants, au nombre de trois à présent, puissent faire des études.

Fichier:baldelli0.jpg

Bruna garde des enfants à la maison et jusqu’à sa disparition le 22 novembre 1998, elle aura accueilli vingt huit enfants différents, de l’âge de trois mois à quatre ans.

Sa retraite anticipée en 1985 n’a pas changé les habitudes de Bruno. Il a continué à jardiner et à bricoler à droite à gauche pour rendre service.

Depuis deux ans il participe aux préparatifs de la St Fiacre et c’est ce qui l’a amené à travailler bénévolement pour le collectif humanitaire thionvillois. Il aide à collecter des meubles qui sont mis en vente à petit prix dans les locaux de l’association, au 12 rue Cormontaigne pour les gens envoyés par le C.C.A.S.[1]


L’hiver, il donne aussi un coup de main à la banque alimentaire dans la cour du Sémaphore.

Fichier:asema1.jpg

Deux mardi dans le mois, les bénévoles rassemblent les dons alimentaires de toute la région au Sémaphore à Thionville.

Les gens en difficulté s’inscrivent à la mairie. Chacun a un numéro d’appel puis pénètre à tour de rôle dans l’épicerie solidaire pour faire ses courses.

Bruno s’occupe de l’ensachage. Il est content de donner de lui-même. Les gens qui viennent se connaissent à la longue et tout le monde s’accorde, personne n’est là pour juger.




M. Gérard Schanne tient la caisse de l'épicerie solidaire

Fichier:asema2.jpg




Aujourd’hui, quand il n’est occupé à donner un coup de main il est peut-être au Maroc où s’est mariée sa fille Ada après ses études ou encore à Rome où vivent ses frères et sœurs. Le Maroc, Bruno en avait une idée préconçue pas très favorable mais il ne peut que se réjouir de l’accueil qu’on lui fait là-bas, les gens sont si bienveillants et agréables. Les premières années il voyait qu’ils avaient peur de parler, il était interdit de rester à discuter à deux ou trois. Mais, depuis l’accession au trône de Mohamed VI les choses ont changé.

Quand il pense au passé, Bruno se revoit encore dans les champs à quatre heures du matin :

il a cinq ou six ans et il marche devant le double attelage de bœufs qui tirent la charrue que son père guide dans le sillon.


lundi 27 septembre 2010

Fabienne Germonprez : laisser dire.






Fabienne Germonprez n’habite plus la côte des roses. Depuis 2002 elle s’est installée dans un studio rue Mozart, de l’autre côté de la chaussée d’Océanie. Elle a aujourd’hui cinquante et un ans.

Avant elle partageait le logement familial rue du Pic vert. Elle a été la dernière des enfants à quitter la maison.


A dix sept ans elle a obtenu son diplôme de l’école ménagère au collège de la Milliaire : de bonnes bases en puériculture, en cuisine et en couture.

Fabienne trouve rapidement un emploi dans une famille bourgeoise de la ville où elle va passer dix sept ans entre le ménage, la cuisine et le service à table car ses employeurs reçoivent beaucoup.

Sa patronne a des exigences particulières en matière de ménage : le sol doit être lavé à quatre pattes, hiver comme été. Qu’importe, Fabienne a une bonne constitution. Elle ne proteste pas.

victoire au tournoi d'Amnéville en 1985

Fabienne se cache dans cette image: saurez-vous la retrouver?

Elle fait du sport, de la plongée à Terville et du football féminin à Guénange. De vingt à vingt cinq ans elle ira en vélo s’entrainer deux fois par semaine à Guénange avant de pouvoir s’offrir une petite moto Honda.

Mais voilà, tant de temps passé sur les genoux à récurer le sol même quand il est gelé vont avoir raison de sa santé. Fabienne souffre d’arthrose dégénérative et elle a de plus en plus de mal à remplir sa tâche. Dans les années quatre vingt dix elle s’occupe en plus des enfants d’une autre famille pendant quatre ans mais, en 1995, elle jette l’éponge. Elle n’en peut plus et démissionne, une façon de se rebeller contre sa patronne qui ne veut pas la laisser partir.

Elle n’a plus de revenus et en attendant l’obtention d’une allocation d’adulte handicapée (A.A.H), elle touche le R.M.I. c’est là, en 1998, qu’elle découvre l’atelier linge de la chaussée d’Océanie et ses activités.


Ensuite Fabienne ira aux réunions du lundi après midi du Lierre, avenue de Guise. Elle garde un bon souvenir du voyage qu’elle avait fait avec le centre. C’était l’occasion de voir des gens et de discuter avec eux.

Fabienne devra demander trois fois l’A.A.H avant de l’avoir. Quand on demande cette allocation, on doit passer devant un jury de six personnes qui vous détaillent sous toutes les coutures et vous demandent

«pourquoi demandez-vous l’A.A.H ? ».

La première fois elle ne pouvait déjà plus se baisser mais elle n’a pas osé raconter les années de ménage à quatre pattes.

Il lui a fallu refaire une demande un an plus tard quand son état a empiré. Finalement la troisième fois, ils l’ont envoyée faire un stage en atelier protégé pour tester ses possibilités d’emploi.

Elle a du aller au centre d’aide par le travail de St Julien pendant quinze jours. Fabienne a été obligée de s’arrêter trois semaines mais elle était une des seules à avoir terminé son stage après son arrêt médical. Elle touche 700€ par mois.

Aujourd’hui elle se déplace à pied où en bicyclette. Elle avait l’habitude de rouler avec des vélos d’hommes mais maintenant elle a besoin d’un vélo adapté à ses problèmes de genoux : un vélo de grand-mère.

Mais si elle a besoin de faire de l’exercice, rouler en vélo est aussi dangereux : l’an passé elle s’est fait renverser par une automobiliste ouvrant sa portière au moment où elle passait. Comme elle allait chercher son neveu à la sortie de l’école, elle n’a pas attendu qu’on appelle le Samu : elle est vite repartie mais elle a souffert de sa chute pendant plus d’une semaine.

Depuis qu’elle a l’A.H, Fabienne a du mal à joindre les deux bouts. Elle a rencontré les assistantes sociales de la ville et demandé une aide pour payer son gaz et son électricité. Il lui est arrivé d’aller aux Restos du cœur mais elle pense qu’elle a dépassé le plafond avec son allocation. Elle a encore droit à la banque alimentaire. C’est deux fois par mois au Sémaphore.

Elle a été aussi au secours catholique, une amie des restos le lui avait indiqué mais autour d’elle, il y avait des gens qui visiblement avaient plus de besoins qu’elle. Elle a arrêté d’y aller. « Demander de l’aide au début, c’est dur. Quand vous avez l’habitude d’arriver à vous en sortir c’est gênant et puis vous avez peur que ça soit toujours comme ça après. On vous critique et vous vous sentez rabaissée.

Et puis on laisse dire. »

vendredi 17 septembre 2010

Moulay Elbatal, l'ambassadeur


Quand il est revenu se poser à Thionville, Moulay Elbatal a obtenu un logement tour de la bécasse, à la côte des roses. Il est content car c’est là qu’il a grandi.

Dans sa jeunesse, Moulay avait misé beaucoup. Les éducateurs, après trois tours de quartier entre deux cafés, disaient aux jeunes que grâce aux études, ils allaient pouvoir dépasser les obstacles qu’on trouve sur son chemin quand on vient d’un quartier.


Quand il a compris le symbole du bac et pourquoi il fallait l’avoir, il a laissé le quartier de côté et il l’a eu. Il croyait encore que sa réussite ne dépendrait que de son travail. En fac, Il était sérieux et n’allait pas en boite comme ses collègues, ça, grâce au quartier. Il avait cette maturité là. Il ne voulait pas se mélanger et cela a été mal perçu. Ses notes sont devenues catastrophiques, à l’étonnement de ses collègues.

Mais le déclic s’est produit en cours de journalisme. La professeur a demandé le nom d’un ministre qui s’était suicidé sous la pression médiatique. Pour lui c’était évident, Bérégovoy. La professeur a dit en s’adressant à ses collègues :

"comment il sait ça lui ? ". Il a compris que ces gens avaient des idées préconçues sur lui et que son travail et son honnêteté n’y changerait rien.

Moulay est parti. Il a décidé d’apprendre la vie là où les gens travaillent, en usine, sur les chantiers partout, en intérim. Moulay a de la chance, il pouvait s’appuyer sur sa famille et les valeurs de la religion. La fraternité, le respect des anciens et la fatalité : quand un jeune de la côte se dit qu’il irait bien s’amuser en boite et réalise qu’on ne veut pas de lui et bien c’est simple : il n’y va pas.

Beaucoup ont mal réagi : on leur montre qu’ils ne sont pas intéressants avant même de les connaître :

« tu ne feras rien toi ». Alors, pour devenir intéressant il faut choquer : des meilleurs que lui sont partis en prison.


Oui Moulay a de la chance, il a les mots pour le dire, les autres se détruisent eux-mêmes.

"Une dame qui a besoin de se justifier qu’elle n’est pas raciste, un barman qui annonce le café à cinq franc quand on passe la porte du bar, les gens ne mesurent pas la portée de ce qu’ils disent. On croyait qu’avec le temps ça changerait maintenant c’est grave car ça n’a pas changé.

La conséquence c’est le repli identitaire et le risque pour les jeunes de se faire bourrer le crâne par un fanatique qui ne connaît rien à la religion. L’état fait un débat sur l’identité nationale, c’est bien de susciter l’opinion générale mais pourquoi expulser tant de gens dans le même temps ?

Le décalage est constant : ils viennent nous inculquer des valeurs que nous mettons déjà en pratique et qu’ils ne s’appliquent pas à eux-mêmes."

Aujourd’hui, Moulay travaille à l’hôpital bel-air comme brancardier et ce qu’il a appris dans le quartier il l’apporte à l’hôpital : être plus intelligent que les racistes, il le fait au boulot. Être honnête et authentique, parler avec les anciens, il le fait au boulot.

Les anciens sont réservés, ils connaissent la vie : « montre moi avant de parler ». Ils ont quitté leur pays sans savoir s’ils allaient réussir. Quand il a quitté le Maroc, le père de Moulay ne savait même pas si ses enfants auraient à manger le soir. Ces hommes ont misé sur l’avenir en France et ils ont fait beaucoup de sacrifices. Même leurs enfants doivent leur prouver les choses : son père n’aurait jamais accepté d’argent de lui avant qu’il sache que cela venait de son travail . Sinon il n’aurait rien voulu.

"Les anciens sont contents de ce que la France leur a donné mais c’est aux jeunes qu’il faut montrer l’importance qu’ont leurs parents, ces hommes qui ont accepté de monter les étages à pied quand l’ascenseur était en panne chaque week-end. On a refait les terrains de jeux, c’était la moindre des choses mais la rénovation du quartier s’est faite à l’envers. Personne n’est venu demander aux habitants de la côte des roses qui souhaitait accéder à la propriété ni quelles solutions proposer aux jeunes, aux anciens."










"Et en même temps on voit pousser si vite toutes ces belles villas au bord du quartier qu’on se demande comment c’est possible. Après toutes ces années où on demandait une solution pour les ascenseurs toujours en panne, les cages d’escalier jamais repeintes. On s’est résigné et là on voit ce que l’argent peut faire. Ça fait naitre la méfiance. Si l’argent fait ces belles maisons si rapidement pour les gens qui ont les moyens, on aurait peut-être pu faire un peu plus pour les gens qui habitent les cages à poules."

Là où l’argent fait autorité c’est aux autorités de réguler : les terrains des belles villas auraient peut-être pu être consacrés à reloger des gens du quartier. Le politique montre son manque de force.


"C’est tout un quartier avec son histoire qui risque d’être balayé :

il faut montrer aux gens qu’ils comptent, la fête des voisins ça ne suffit pas :

il faut agrandir la mosquée, ouvrir les magasins que les gens attendent, ça, ça donne envie. Les politiques doivent nous montrer qu’ils ont envie de faire des choses avec nous car nous on est là." La France de Moulay c’est celle des droits de l’homme, des soins pour tous et de l’accueil des exilés politiques. Quand il est au Maroc ça se voit qu’il est français. Les enfants de l’immigration critiquent leur pays d’origine par ce qu’ils l’aiment et qu’ils préfèreraient le voir aussi juste et équitable que les états européens. De même ils critiquent et ils défendent la France."



l'ambassadeur
envoyé par saisirlechangement. - Plus de vidéos de blogueurs.

Toufikk Mouhssine et Moulay tiennent la sono à la fête des voisins 2010




mercredi 4 août 2010

Audrey et Frédéric Rossé en transit à la Perdrix

Audrey Rossé est née à Aboncourt près de Bouzonville. Entre seize et dix huit ans elle vit au foyer carrefour à Metz et travaille au kinépolis de St Julien. Elle quitte le foyer et s’installe à Thionville, elle travaille au Leclerc de Maizières-les-Metz puis au paddy discount, un marchand de fruits et légumes du centre ville qui a fermé depuis. Elle est employée de libre service et fait surtout des remplacements.

Audrey et Frédéric Rossé se sont rencontrés en 1997. Frédéric est originaire de Colmar et travaille en intérim. Difficile pour eux de louer un appartement. Les loyers sont trop chers. Un bailleur ira jusqu’à exiger que Frédéric travaille au Luxembourg pour accepter de louer : 750€ par mois deux mois de loyers d’avance et un mois de caution. La seule solution est l’hôtel social et Audrey et Frédéric vont traverser dix ans de galère jusqu’en avril dernier. Après un hiver sans eau chaude et sans chauffage, Audrey excédée, réussit à obtenir de l’assistante sociale de l’Ase un hébergement provisoire dans un des appartements de l’Armée du salut situé à la perdrix, l’immeuble qui doit être démoli l’an prochain.


Frédéric et Audrey sont mariés depuis 2006 et ont eu deux enfants, Solène qui a huit ans et Kylian qui en a cinq. Solenne sait qu’ils vont redéménager tôt ou tard et a du mal à l’accepter. Déjà elle regrette son école du centre ville où elle a laissé ses copains Depuis qu’elle a changé, elle est la première de sa classe et sans se forcer. A la côte des roses, elle va à l’école à la rigolade. Killian lui, préfère la côte car en ville, sa mère l’a su plus tard, il était terrorisé par un camarade. Aujourd’hui il voudrait aller tout seul à la maternelle. Audrey est contente : ils adorent l’école.



Le mariage avait deux raisons : contenter la mère de Frédéric avec qui il venait de renouer après une longue séparation et rassurer Solène qui demandait toujours pourquoi sa maman avait un autre nom. Un grand mariage de soixante-dix invités rendu possible grâce à un arrangement avec le traiteur que lui avait recommandé sa sœur : payer à l’avance chaque mois le buffet de la cérémonie. Pas question d’aller dans un restaurant, trop cher et puis ils avaient trouvé une salle pour deux jours à Chémery-les-deux avec un grand terrain de foot à côté pour les enfants.


En ce moment Audrey travaille une heure chaque jour dans un lavomatique de Yutz et Frédéric dans une usine Thyssen-Krupp à Florange pour inter-conseil, une nouvelle boite d’intérim. Avant il travaillait au même endroit mais pour Manpower et il avait le panier en plus…. Avec trente cinq heures et deux euros de déplacement par jour, Frédéric dépasse à peine les mille euros. Il fait les quatre fois huit. Le rythme de repos est toujours en train de changer et pendant les vacances c’est dur de récupérer des nuits avec les enfants à la maison.

Il va à l’usine en vélo car c’est difficile de faire la route avec un collègue, les équipes changent tout le temps. Quand il rentre c’est Audrey qui prend le vélo pour aller à Yutz. Elle a bien un vélo mais comme l’ascenseur tombe souvent en panne, ils laissent le plus lourd en bas plutôt que de risquer de le remonter à pied au neuvième étage. Récemment, Frédéric est tombé malade et le revenu du foyer est tombé à 500€. Ils ont bien le Rsa mais celui-ci est calculé sur les trois derniers mois. Audrey avait obtenu un bon d’achat de 50€ du CCAS mais la plupart du temps elle essaie de se débrouiller par ses propres moyens car elle a été plusieurs fois voir l’assistante sociale et elle n’avait jamais le droit à quoique ce soit : elle ne va plus demander. Pourquoi prendre rendez-vous pour ne rien avoir ? Quelque fois c’est dur de comprendre comment ça marche, tout le monde disait « avec deux enfants, vous êtes prioritaires » mais des demandeurs d’asile étrangers on été relogés bien avant eux. Quand ils ont posé la question aux assistantes sociales la seule réponse a été, « il ne faut pas être raciste ». Quand ils étaient encore à l’hôtel et qu’ils signalaient le danger des prises électriques descellées pour les enfants : « vous n’avez pas à vous plaindre, vous avez un toit ». Comme solution ce printemps, ils avaient proposé un foyer pour lui un foyer pour elle et les enfants. Mais cette fois Audrey était arrivée à un point où rien ne l’aurait retenu. Il faut s’imposer.


Voilà, les enfants jouent sans problème en bas de l’immeuble depuis qu’elle est descendue ramener l’ordre, ils sont habitués au quartier. Mais rien ne retient vraiment les Rossé ici. Tôt ou tard ils y arriveront : ils ont galéré jusqu’ici, ce n’est pas maintenant qu’ils vont baisser les bras. Les enfants sont là, il faut se battre pour eux.


mardi 3 août 2010

Chantal Lécluse : 27 ans à la Perdrix

Chantal Lécluse vit dans la tour de la perdrix depuis le deux décembre 1981. Chantal n’a jamais connu son père. Elle est née du côté de Sarrebourg en 1951 et son père militaire est mort dans un accident de jeep quand elle avait dix mois. C’est sa grand-mère qui l’a élevée dans la maison familiale de Terville. Son grand-père était venu du nord après la guerre pour travailler chez Usinor. A la maison il fallait marcher droit, être poli et surtout ne pas se faire remarquer quand on est en visite : ne rien demander, montrer du respect pour qu’on puisse dire à la grand-mère « comme ils ont été bien élevés ces enfants ».



Quand Chantal demandait pourquoi sa mère n’était pas avec eux, sa grand-mère répondait qu’elle était très indépendante. En fait, elle n’avait même pas eu le temps de se marier et avoir un enfant hors mariage était très mal vu à l’époque. Les enfants d’aujourd’hui ne sont pas élevés de la même façon. Avant on interdisait aux enfants sans leur expliquer pourquoi. Maintenant ils osent demander. Chantal n’y pensait même pas. Aujourd’hui c’est une lourde responsabilité d’élever des enfants : on les informe et on leur explique les choses car on veut qu’ils réussissent sans se faire manger par des profiteurs et rattraper par le mauvais et l’instabilité. Les enfants de maintenant ont plus de tentations, dans un magasin ils voient tout ce qu’il y a et demandent : « Maman pourquoi t’achète pas ça ? ». Ses petits enfants sont élevés fermement mais Ils veulent dépasser les interdits, ils bougent. Chantal a élevé ses deux filles toute seule.



Elle se marie à 26 ans en 1978, sa fille Alice nait en 1979, Jessica en 1982 et Chantal divorce quelques mois plus tard.

Son mari va se laisser aller complètement, faire de la prison et devenir sans domicile fixe. Il vivra chez l’un chez l’autre à la côte toujours sur la brèche et totalement immature. Chantal n’a pas connu d’autre échec. Il lui a fallu assumer, retravailler comme avant son mariage, agent hospitalier ou aide en maison de retraite. Elle aurait pu partir mais elle avait déjà des amis dans le quartier et l’école pour les filles n’était pas loin, l’hôpital et la sécu aussi.



Elle a vu le quartier changer. C’est très triste de voir des enfants se laisser aller. On vit avec eux, on les connaît depuis la maternelle et certains s’en sortent et d’autre pas. Du temps de monsieur Pieltant, le concierge qui vivait au rez-de-chaussée de la perdrix, l’immeuble était correct propre et calme. Son départ a précédé la dérive de la drogue et de l’alcool. Les enfants de la tour n’étaient plus à l’abri. Un club de prévention avait pris la place du concierge et c’était bien au début et puis ça a dégénéré avec l’afflux de jeunes de partout, trafic et incendies de caves. Il y a des choses qu’on ne peut oublier : un jeune avait noyé tout l’immeuble en ouvrant une vanne incendie au neuvième étage. Deux électriciens étaient venus réparer car toutes les armoires électriques étaient hors d’usage.



Un arc électrique s’était alors produit entre le vide-ordure et l’armoire et avait grièvement blessé un des deux hommes. Toute la chair, de son bras à la taille était à vif, la peau arrachée. L’Opac qui n’était pas encore Moselis avait décidé de faire fermer le club qui n’avait rouvert que bien plus tard, mais seulement pour l’aide aux devoirs.




Aujourd’hui l’immeuble de la perdrix doit être démoli. Les gens de Présence habitat sont venus il y a plus d’un an en compagnie de la médiatrice Paola Morelli.

Chantal vit seule aujourd’hui mais elle tient à conserver son mobilier en bois massif. Il avait été convenu qu’un grand F2 aux Basses-terres ferait l’affaire et Chantal était contente car cela la rapprocherait du centre le Lierre. Car son idée est de ne pas être séparée du Lierre : elle en a besoin.


Chantal avec ses collègues des ateliers du Lierre


Depuis qu’elle est au RMI, Chantal fréquente les ateliers cuisine et couture qui sont organisés par le centre. Cela lui a permis de redécouvrir la Côte des roses : elle s’est ouvert un peu plus aux autres et a appris à rencontrer les gens qu’elle ne connaissait que de vue et qui viennent aussi aux ateliers. Elle vivait une sorte de solitude et quand on reçoit un geste, un sourire, on laisse finalement l’amertume de côté « tu as vécu 27 ans là et puis c’est tout ».

Depuis un an et demi elle écrit un récit bâti autour du parcours du GR20 en Corse. Avec Monique et Saveria elle imagine les étapes du voyage des personnages qu’elles ont inventé dans l’atelier de Français de madame Noël. Ça fait travailler.

Mais pour l’appartement aux Basse-terres, ils ont attendu plus d’un an avant de lui dire que ce n’était plus possible. Maintenant elle attend un logement rue de la pomperie puisqu’ils sont réservés au relogement Moselis mais ils disent « est-ce que ce n’est pas trop cher pour vous ? » Chantal aimerait bien savoir à quelle sauce elle va être mangée. Elle veut savoir ce qui l’attend. Elle ne cesse d’y penser. Dans le fin fond elle a toujours une inquiétude mais elle doit aller au-delà et prendre ses responsabilités. Jusqu’ici, elle attendait, maintenant c’est à eux de prendre leur responsabilité et de lui faire une proposition concrète.





les nouveaux immeubles du chemin de la pomperie à Thionville




Membres

Qui êtes-vous ?